mercredi 8 décembre 2010

Les Honneurs Bafoués

Durant les soirs froids d'hiver, Honorine prit l'habitude de préparer sa tisane au thym et de la boire, en attendant Eugène, dans le salon. Et tous les soirs, elle souriait lorsqu’elle tenait sa tasse chaude à pleines mains et qu'elle se rappelait le froid à l'extérieur.

Honorine aimait ce rituel, cette attente. Ce qu'elle aimait le plus, c'était l'entrée d'Eugène, bruyante, joyeuse et tonitruante comme sa nature. Elle appréciait cet enjouement qui l'attendrissait. Elle aimait la manière avec laquelle il rompait le rythme calme de son début de soirée comme il l'a fait, quelques années plus tôt, avec celui de sa vie.


Mais ce soir là, Honorine fut surprise de voir Eugène rentrer pâle et hagard. Ses yeux larmoyaient presque.

Il s'assit à côté d'Honorine dont le sourire se ternit brusquement.

Il se tint le visage entre ses mains, moites malgré le froid et il a essayé de marmonner quelques mots décousus mais abandonna vite. Honorine, effarée, remit sa tasse sur la table, lui tint le bras et lui demanda la raison de cet état si inhabituel. L'homme ne répondit pas et garda le silence. Impatiente, Honorine le secoua doucement et le supplia, la voix tremblotante, de lui répondre.

" - Mon profil facebook a ... été piraté ..." soupira, finalement, Eugène.
Honorine mit ses mains brusquement devant la bouche et étouffa un cri. Durant, quelques longues secondes, aucun des deux n'a prononcé un mot.

Eugène était soucieux. Il pensait à son profil, à tous ces amis qu'il a soigneusement ajoutés. Ils étaient cinq cents soixante-trois ou soixtante-quatre, peut-être, il ne sait plus. Et puis, comment allait-il retrouver un par un, ces intérêts dont il devenait fan si fièrement ? Ainsi que toutes ses photos ajoutées et taguées ?

Soudain, son visage s'assombrit encore à la pensée du pirate qui se joue de sa réputation numérique. Serait-ce un jeune adolescent de treize ans qui est entrain de défigurer son mur avec des lols, des mdrs ? Ou encore en postant des vidéos affligeantes ? Serait-il entrain de massacrer la syntaxe française avec des statuts creux ? Le cœur d’Eugène se resserra.

Honorine interrompit les pensées noires d'Eugène en lui reprenant la main. Elle sourit et elle se leva en essayant de le convaincre de faire de même. "- Nous trouverons une solution. M. Birotteau peut bien nous aider" chuchota Honorine, réconfortante, en ouvrant sa mailbox sur son iphone.



Mère et enfant - 1881 - Pierre-Auguste Renoir
Photo d'Honorine, avec son neveu, sur Facebook. Mal coiffée, elle a demandé, faute de ne pas pouvoir supprimer la photo, de ne pas être taguée.

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